80 % des handicaps sont invisibles. Or, passer inaperçu est loin d’être un avantage. En témoigne Véronique Parisot, qui a connu « l’avant » et « l’après » reconnaissance du handicap.
Ni debout, ni assise : c’est le quotidien de Véronique Parisot qui ajuste son bureau et son siège en fonction des moments de la journée et de ses douleurs. Elle est handicapée, mais cela ne se voit pas. Et c’est un peu le problème parfois, ce handicap invisible : « T’as un super bureau, un super fauteuil ! Comment t’as fait ? T’es pistonnée ? », a-t-elle déjà entendu dans son précédent poste. La réponse fut assez cash : « Je ne suis pas pistonnée, je suis handicapée ; je n’ai pas la « chance » d’avoir un bureau électrique, j’ai la malchance d’avoir un handicap ».Â
Aujourd’hui Responsable Ressources Humaines chez Eramet Ideas, Véronique Parisot a vu son handicap s’installer progressivement : « Je ne suis pas paralysée, mais je perds l’usage de ma jambe droite ; j’aurais sûrement besoin d’un appareillage un jour. Je souffre de douleurs chroniques dans le dos, aux cervicales. J’ai aussi des soins et c’est la raison pour laquelle je travaille à 60 % aujourd’hui. ».  Pour le faire dans des conditions optimales, elle a un poste de travail adapté : une table automatisée qui s’ajuste en hauteur, ainsi qu’un fauteuil ergonomique pour avoir la bonne posture qu’elle soit debout ou assise en position basse ou haute.Â
Si aujourd’hui, elle assume son handicap, le cheminement a été long pour qu’elle l’accepte et le fasse accepter.
Une longue démarche de reconnaissance du handicap
L’accident qui a brisé sa colonne vertébrale a eu lieu en 1999. Après six mois d’arrêt de travail, la jeune femme ressent des douleurs chroniques « mais je n’avais pas fait le chemin dans ma tête pour accepter mon handicap. Psychologiquement, j’étais dans le déni », reconnaît Véronique. « Quand on a un handicap invisible, on a tendance à penser qu’on n’est pas handicapé, parce qu’on ne l’est pas dans le regard des autres. On peut faire semblant ».
Elle n’initie pas la démarche de reconnaissance du statut de travailleur handicapé – auquel elle a droit – son employeur ignore donc sa situation. « Cela me coûtait physiquement et moralement ». Mais quinze ans plus tard, elle s’y résout : « Je n’y arrivais plus », confie-t-elle. Dans son parcours, Véronique a alors un peu de chance : la RH de son entreprise de l’époque l’encourage dans la reconnaissance officielle de son handicap. « Elle m’a dit que je pourrais avoir un poste adapté, mais pour cela, en prérequis, il fallait que j’accepte de reconnaître mon handicap et mon statut de travailleur handicapé », se souvient-elle.
En 2014, elle obtient la reconnaissance de travailleur handicapé auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées. Son employeur peut alors faire appel à l’AGEFIPH, l’organisme qui travaille sur l’accès à l’emploi des personnes handicapées, en collectant les fonds des entreprises pour le handicap et en finançant des solutions adaptées pour le maintien dans l’emploi. Un ergonome travaille ainsi avec elle à l’adaptation sur mesure de son environnement de travail : postures de travail, rythme de travail, temps de trajet… tout est passé en revue pour choisir un équipement adapté, son bureau, sa souris d’ordinateur, un renfort de siège pour sa voiture…
Véronique rejoint ensuite Eramet en 2018, à l’origine pour un CDD de six mois à mi-temps. Dès le départ, elle fait état de son handicap. Sa crainte pourtant : que l’entreprise refuse d’investir dans un équipement spécialisé dans le cadre d’un contrat court. A sa grande surprise, trois semaines après son arrivée, son poste est aménagé. Depuis, elle a été embauchée en CDI. C’est elle aujourd’hui qui défend la culture inclusion chez Eramet Ideas.
De quoi as-tu besoin ?
« Il n’y a pas « un » handicap, il y a des handicaps : cancer, maladies mentales, diabète, problèmes moteurs… Chaque handicap entraîne un besoin particulier », rappelle Véronique. « Pour intégrer un salarié en situation de handicap, il n’y a qu’une question à poser : « De quoi avez-vous besoin ? ».
Les solutions existent – elle en est la preuve –, encore faut-il que chaque personne accepte son handicap. A commencer par les personnes handicapées elles-mêmes donc : « Je vois encore beaucoup de gens qui ont peur de déclarer leur handicap – par peur du regard des autres, du coût, des problèmes que cela pourrait causer. Avoir un handicap reconnu, cela peut même être un argument pour l’embauche. La plupart des entreprises peinent à recruter des collaborateurs en situation de handicap et n’atteignent pas le quota des 6 % obligatoires. » Même chose côté culture d’entreprise : « Dans le cadre d’un recrutement, si je propose aujourd’hui à des managers d’intégrer une personne handicapée dans leur équipe, le premier réflexe est de se dire que cela risque d’être compliqué et de se demander s’ils vont y arriver ».
Véronique milite donc pour favoriser l’inclusion dans l’entreprise, comme dans la vie de tous les jours. « Il faut plus de mixité – dès le plus jeune âge – pour que les choses bougent aussi en entreprise », dit-elle.
Cette semaine se tient justement la Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées (du 15 au 21 novembre) : « Un événement vital : c’est le moment où on parle handicap, sans malaise ». Dans le cadre de cet événement, le groupe Eramet participera par ailleurs au DuoDay, une journée nationale française où un collaborateur volontaire accueille une personne en situation de handicap et lui fait découvrir son métier et son environnement de travail.